Haaretz : Des dirigeants ont pressé Adam Verete de démissionner pour avoir exprimé des opinions de gauche en classe, puis ils ont affirmé qu’il avait présenté sa démission

English original version : Officials pressed Adam Verete to resign for expressing leftist views in class, then said he offered to quit

Or Kashti | Ha’aretz | 24 janvier 2014

Le procès-verbal d’un entretien préalable au licenciement d’un professeur de lycée qui aurait exprimé des opinions de gauche en classe montre des administrateurs du réseau ORT faisant pression sur lui pour qu’il démissionne, et ensuite démentant ces pressions.

Le cas d’Adam Verete, professeur au lycée ORT (Organisation internationale de Recherche et de formation Technique) Greenberg à Kiryat Tivon, a suscité des débats à la Knesset, des manifestations où l’on voit des élèves avec un ruban noir sur la bouche, et des appels sur Facebook pour que Verete soit expulsé vers Gaza et fouetté.

L’épisode a débuté la semaine dernière, quand Sapir Sabah, une élève de 12e classe de Verete, a écrit dans une lettre au ministre de l’Éducation, Shay Piron, qu’en classe Verete « explique qu’il est d’extrême gauche, » que « les juifs ne sont pas censés être ici, » et « souligne que les Forces de défense israéliennes agissent avec une brutalité et une violence peu communes. » Piron a demandé au lycée d’enquêter sur la question, et la semaine dernière, le réseau ORT a convoqué Verete à un entretien.

« Je subis des pressions et reçois des menaces sur ma vie, et pour mon épouse, c’est dix fois pire » a déclaré Verete aux dirigeants d’ORT lors de l’entretien. Depuis cet entretien, les dirigeants d’ORT ont dénoncé Verete. Ils affirment que le professeur a reconnu à l’entretien avoir déclaré en classe que l’armée israélienne est immorale, entre autres déclarations. ORT indique aussi que Verete a lui-même suggéré de quitter son poste au lycée.

Mais les enregistrements de l’entretien, dont des extraits ont été publiés sur le site de Ha’aretz en hébreu jeudi, réfutent leurs allégations.

Des extraits dans lesquels on entend Verete nier les allégations portées contre lui et refuser de démissionner, alors que les dirigeants ORT insistent pour qu’il le fasse. Parmi ces dirigeants, le directeur du réseau scolaire ORT, Zvi Peleg. Peleg était auparavant un actif du parti de droite Habayit Hayehudi (Le Foyer juif).

En outre, ils ont refusé de le soutenir quand il a décrit les menaces qui étaient portées contre lui depuis le début de l’incident.

Lors de l’entretien, Verete a nié avoir dit qu’Israël n’appartenait pas aux juifs, mais aux Arabes. S’agissant des FDI, il a dit : « Les élèves ont fait valoir l’argument que les FDI étaient l’armée la plus morale du monde, » et ils ont alors débattu sur ce que cela signifiait.

« À la fin, ils m’ont demandé quelle était ma position, et je leur ai dit que je pensais que l’armée commet des actes immoraux, entre autres. »

Les administrateurs ont déclaré à l’entretien qu’il n’y aurait « aucun problème » avec la démission de Verete. Verete leur a dit qu’il ne voulait pas démissionner, citant de ses élèves qui l’ont appelé « l’un des professeurs les plus importants qu’ils n’aient jamais eu. »

Des élèves de Verete et des enseignants dans tout le pays se sont ralliés à lui cette semaine. Un entretien supplémentaire doit être programmé à une date ultérieure.

Un ancien député de la Knesset, Michael Ben-Ari, a affiché la lettre de Sabah sur sa page Facebook, avec la recommandation que Verete « monte sur le même missile que Mme Haneen (Zoabi) et Mr (Ahmed) Tibi », deux députés arabes de la Knesset. Alors que de nombreux intervenants soutiennent Verete, d’autres protestent. Parmi ces commentaires, « Tatouez-lui une Étoile de David sur le front et parachutez-le sur Gaza », « Sa mère s’est envoyée un Arabe », et « Je voudrais lui baisser son slip à cet enseignant et lui fouetter le cul… »

Lors de l’entretien, Verete a défendu ses méthodes d’enseignement, disant que son but « est d’être ouvert avec les élèves, pas pour le plaisir de les convaincre, ni pour celui de les influencer, mais simplement pour le plaisir de la sincérité. »

« Il y a une directive du ministère de l’Éducation disant qu’il ne faut pas exprimer d’opinions, » a déclaré la directrice adjointe des ressources humaines d’ORT, Merav Atari, à l’entretien.

En réalité, le ministère n’a pas publié une telle directive. Le ministère a adopté le rapport Kremnitzer, qui stipule qu’un enseignant peut prendre position sur une question controversée, tant qu’il ne présente pas sa position comme obligatoire.

« Il est interdit à un enseignant d’exprimer des opinions, » a répété Arari. « Et vous avez agi contrairement à la procédure. » Plus tard, dans l’entretien, elle a dit, « Un enseignant, dans une école qui encourage les élèves (à rejoindre l’armée), ne peut exprimer des opinions opposées à l’esprit de l’école. »

Verete a déclaré aux administrateurs que les frictions avec Sabah avaient commencé durant l’année scolaire précédente, quand il avait ri après que Sabah eut dit, « Nous devons jeter tous les Arabes à la mer. » Lors d’une réunion ultérieure avec le principal, il s’était excusé d’avoir ri.

« Quelques mois plus tard, a dit Velete à l’entretien, Sabah a annoncé qu’Israël avait la peine de mort pour les traitres’, et elle m’a dit, ‘Vous êtes un traitre’ »

« Ne vous êtes-vous pas excusé ? » a demandé l’un des administrateurs à Verete.

« Pour quoi ? » a demandé Verete.

Vers la fin de l’entretien, Atari a dit, « Je veux suggérer ceci : je ne vous licencie pas, mais vous démissionnerez et vous direz que vous ne voulez pas continuer le travail ».

Verete a protesté, « mais ce n’est pas vrai », mais Atari a poursuivi, « Je pense que c’est le meilleur moyen de résoudre votre problème et le problème du système tout entier ».
L’ORT a refusé de commenter.


Un professeur de lycée risque le licenciement pour avoir exprimé des opinions de gauche en classe

Or Kashti | Ha’aretz | 20 janvier 2014

Dans une lettre au ministre de l’Éducation, une étudiante prétend qu’un enseignant a dénigré l’État d’Israël et son armée.

Un professeur de lycée israélien est menacé de licenciement après qu’une étudiant s’est plainte dans une lettre au ministre de l’Éducation, Shay Piron, qu’il avait exprimé en classe des « opinions d’extrême gauche » et « parlé contre notre État ».

La semaine dernière, le réseau scolaire ORT (Organisation internationale de Recherche et de formation Technique) a convoqué en un entretien préalable Adam Verete, qui enseigne au lycée ORT Greenberg à Kiryat Tivon. La lettre a été écrite par Sapir Sabah, en classe de 12e au lycée.

Michael Ben Ari, ancien député à la Knesset, a affiché la lettre de Sabah sur sa page Facebook, suscitant de nombreux commentaires et même des accusations de trahison contre Verete. La semaine dernière, Verete a déposé plainte auprès de la police en diffamation, menaces et incitation.

La mère de Sabah, Nurit Sabah, a déclaré samedi que la famille attendait de voir « si justice sera faite ».

Verete aurait déclaré à plusieurs collègues au lycée qu’il avait envisagé de démissionner, mais que « particulièrement depuis que je suis professeur principal, je n’ai pas le privilège de ne pas lutter pour mes idées ».

Après l’entretien de la semaine dernière, Verete a déclaré à des amis qu’ORT prétendait qu’il avait violé les règlements du ministère de l’Éducation. Il dit avoir tenté d’expliquer que si les enseignants n’étaient pas autorisés à recommander un parti précis dans une élection, ou à exprimer un appui manipulateur, partisan, pour une position en particulier, il ne leur était pas interdit d’aider les étudiants à avoir une pensée critique. Verete a indiqué à ses amis que lors de l’entretien, les dirigeants de l’ORT avaient déclaré que la meilleure solution pour tout le monde serait qu’il démissionne.

Dans une réponse, l’ORT a dit qu’elle avait entendu Verete dès qu’elle avait eu connaissance de l’incident, ajoutant que ses écoles promeuvent certaines valeurs et que ses enseignants éduquent ses élèves pour qu’ils servent dans les Forces de défense israéliennes (FDI, armée israélienne). « Si et dans la mesure où les déclarations (attribuées à Verete à propos des FDI) sont avérées, elles viennent en contradiction avec les valeurs du réseau scolaire et ne reflètent en aucune façon sa position. Qui plus est, pour des raisons de confidentialité, nous ne pouvons régler le problème tant que le processus de clarification n’est pas terminé ».

Au cours des dernières années, un certain nombre d’enseignants, particulièrement dans des matières comme l’histoire et l’éducation civique, se sont plaints de difficultés croissantes pour discuter des questions controversées en classe, comme les droits de l’homme en général et les droits des Arabes israéliens en particulier, de même que de la conduite des Forces de défense israéliennes. Les enseignants affirment que les élèves s’expriment souvent d’une manière qui confine à la violence quand de tels sujets sont abordés. Sachant que le ministère de l’Éducation ne les soutient pas, de nombreux enseignants préfèrent éviter d’aborder les « questions sensibles ».

En août 2012, le coordinateur de l’éducation civique du ministère de l’Éducation, Ader Cohen, a été licencié après avoir essayé d’introduire un éventail d’opinions plus large dans le programme scolaire. Au moins deux directeurs d’établissement de Tel Aviv, Ram Cohen et Zeev Dagani, ont subi des sanctions disciplinaires pour avoir exprimé leur opposition à l’occupation israélienne de la Cisjordanie.

Dans sa lettre à Piron concernant Verete, Sabah écrit : « Adam (Verete) fait en sorte de souligner ses opinions politiques dans chaque classe. Il explique qu’il est d’extrême gauche, et que, de son point de vue, notre État n’appartient pas aux juifs, mais aux Palestiniens, et que nous, les juifs, ne sommes pas censés être ici ».

Elle se plaint que que Verete « souligne que les FDI agissent avec une brutalité et une violence peu communes » et qu’il a dit avoir assisté à une conférence à l’étranger où il a crié, « Vive la Palestine ». Quand elle a protesté, « il s’est mis à rire, et a dit ’En ce qui vous concerne, tuer les Arabes, c’est tout ce que vous voulez’ ».

Sabah a déclaré à ses camarades de classes à propos d’un incident de l’année dernière, quand Verete aurait ri devant sa réaction à une déclaration, « Tous les Arabes doivent être jetés à la mer ». Elle s’est plainte qu’il l’avait humiliée et qu’il l’avait forcée à s’excuser. Plusieurs mois plus tard, Sabah a dit à Verete que la trahison était punissable de mort en Israël. Le principal a exigé qu’elle présente ses excuses, mais elle a refusé.

Sur la page Facebook de Ben Ari, il y a eu de nombreux commentaires exigeant que Verete soit licencié, voire pire. « Sapir, ma chère, dites à votre ‘professeur principal’ qu’il est invité à monter sur le même missile que Mme Haneen (Zoabi) et Mr (Ahmed) Tibi’ », deux députés arabes de la Knesset.

Il y a eu aussi des messages de soutien de la part d’anciens élèves et d’élèves actuels de Verete. « Je n’ai jamais ressenti, même un seul instant, dans toute classe qu’il imposait son opinion (mais) qu’il essayait d’éveiller la classe », a écrit un élève, ajoutant, « il a réussi à développer une pensée critique et indépendante chez les élèves, et il n’a pas encouragé à une incitation. »

Une autre élève a écrit qu’elle considérait la lettre de Sabah comme « totalement déconnectée de la réalité. (Verete) est un professeur exceptionnel qui encourage une discussion ouverte en classe et sans aucun doute, il permet à chaque élève d’exprimer son point de vue, même extrême. »

Sabah a répondu à celles et ceux qui soutiennent Verete, en écrivant, « C’est une honte qu’il y ait des gens comme vous dans ce pays !!! Vous vous déclarez contre l’État et vous le trahissez !!! ».

Traduction : JPP pour BDS FRANCE et l’AURDIP