Plus de courage, Mme Taubira

Michel WARSCHAWSKI | Siné Mensuel | 21 juin 2013 | Trois lettres ont le don d’énerver les dirigeants israéliens : BDS. Pour Boycott, Désinvestissement, Sanctions. Nous en avons parlé plusieurs….

Michel WARSCHAWSKI | Siné Mensuel | 21 juin 2013 |

Trois lettres ont le don d’énerver les dirigeants israéliens : BDS. Pour
Boycott, Désinvestissement, Sanctions. Nous en avons parlé plusieurs
fois dans les pages de notre mensuel préféré mais un rappel n’est pas
inutile : il s’agit d’une campagne internationale, lancée il y a huit
ans par l’ensemble des organisations politiques, syndicales et
associatives palestiniennes pour appeler la communauté et l’opinion
publique internationales à se mobiliser pour exiger la mise en œuvre de
sanctions, politiques, diplomatiques, financières et commerciales contre
l’État d’Israël tant qu’il refusera de respecter le droit international
et les nombreuses résolutions de l’Onu concernant ce qu’on appelle « la
question palestinienne ». Cette campagne a pris aujourd’hui son rythme
de croisière et porte déjà ses fruits, comme le confirment diverses
initiatives législatives prises par le gouvernement israélien pour
tenter d’en enrayer les effets.

Face à cette campagne, inspirée par les initiatives BDS contre
l’apartheid en Afrique du Sud il y a un demi-siècle, la République
française se singularise une fois de plus : alors que dans tous les
autres pays du monde – Israël exclu évidemment – l’appel à des sanctions
est considéré comme un acte politique légitime, des militants français
ayant appelé au boycott sont poursuivis en justice. En effet, alors
qu’elle était ministre de l’Intérieur du gouvernement Sarkozy, Michèle
Alliot-Marie avait, à la demande du Conseil représentatif des
institutions juives de France (Crif), donné l’instruction au parquet de
poursuivre en justice les instigateurs de l’appel au boycott, n’hésitant
pas à faire l’infâme amalgame entre boycott d’Israël et boycott de
produits casher. Des procès sont aujourd’hui en cours, notamment à
Colmar, Perpignan et Alençon. Rappelons qu’à une exception près, les
procès précédents s’étaient achevés par des non-lieux ou par la
fermeture des procédures.

Le changement de gouvernement et surtout la nomination de Christiane
Taubira comme garde des Sceaux laissaient espérer que cette
criminalisation de l’appel au BDS allait cesser et que la France se
joindrait aux autres pays européens qui considèrent celui-ci comme
faisant partie du droit à l’expression. Madame Taubira, à qui j’avais
remis, en décembre dernier, lors de l’attribution du Prix des droits de
l’homme au Centre d’information alternative dont je suis président, un
appel d’universitaires français à abolir la directive Alliot-Marie, et
qui me disait alors « ne pas être insensible à cette requête », semble
avoir aujourd’hui décidé de botter en touche : arguant de sa décision –
louable en soi – de ne pas intervenir, comme c’était trop souvent le cas
à l’époque sarkozienne, dans les initiatives du parquet, la garde des
Sceaux laisse la procédure suivre son cours.

Christiane Taubira est une femme respectable que nombre d’entre nous
admirons pour son courage et sa droiture. Espérons que face à ces procès
iniques contre des militant(e)s qui combattent l’impunité dont jouit
l’État colonial israélien, elle saura faire preuve du même courage que
celui qui l’a caractérisée quand elle a imposé la loi contre l’esclavage
ou soutenu le mariage pour tous. Je me permets de lui rappeler que c’est
précisément pour l’action du Centre d’information alternative contre
l’impunité qu’elle m’avait remis le Prix des droits de l’homme de la
République française. La campagne BDS est avant tout une bataille contre
l’impunité d’Israël : il faut cesser le harcèlement judiciaire de ceux
qui luttent en France contre cela.