Le boycott économique des entreprises et des enterprises et des produits israéliens est-il légal en France ?

Ivar Ekeland | AURDIP | 8 Octobre 2012 La situation actuelle est loin d’être éclaircie, mais n’est pas nécessairement défavorable au mouvement BDS. Il se heurte à une volonté répressive….

Ivar Ekeland | AURDIP | 8 Octobre 2012

La situation actuelle est loin d’être éclaircie, mais n’est pas nécessairement défavorable au mouvement BDS. Il se heurte à une volonté répressive du Ministère de la Justice, qui a donné instruction aux procureurs de poursuivre les actes de boycott des produits israéliens. Ces instructions, émanant du gouvernement précédent, ont été renouvelées par le gouvernement actuel dès le mois de mai 2012, ce qui montre que la volonté politique de réprimer le boycott transcende les partis, quitte à faire dire aux textes ce qu’ils ne disent pas. Heureusement, les juges du siège n’ont, dans la plupart des cas, pas suivi le gouvernement dans son interprétation tendancieuse.

Le Ministère de la Justice propose de combiner l’article 24 alinéa 8 de la loi de 1881 avec l’article 225-2 du code pénal pour établir la condamnation de ceux qui appellent au boycott. Cette combinaison est très critiquable. D’une part, l’article 225-2 du code pénal qui interdit l’entrave à l’exercice d’une activité économique a été adopté en 1977 pour éviter que les entreprises françaises ne soient obligées de boycotter les entreprises israéliennes lorsqu’elles commercent avec des entreprises d’Etats membres de la Ligue arabe. D’autre part l’article 24 alinéa 8 de la loi de 1881 sur la presse a été adopté en 1972 interdit les appels à la discrimination contre des individus fondée notamment sur différents critères (notamment la nation), limitant ainsi la liberté d’expression dans une logique de lutte contre les discriminations et le racisme. Le premier texte condamne le fait d’entraver une activité économique, le deuxième texte condamne l’appel à la discrimination, et le gouvernement demande aux procureurs de combiner les deux pour condamner l’appel au boycott. Une telle combinaison, qui n’était manifestement pas dans les intentions du législateur, n’est pas possible en droit pénal.

Pour éclairer cette discussion, nous vous proposons quatre documents, qui sont des commentaires d’arrêts récents:

– un arrêt de la Cour d’Appel de Bordeaux, en date du 22 Octobre 2010, confirmant la condamnation en première instance d’une militante BDS.

– un jugement du Tribunal de Grande Instance de Mulhouse, page 1 et page 2, en date du 15 Décembre 2011, relaxant les prévenus du chef d’un appel citoyen au boycott

– un jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris, en date du 8 Juillet 2011, relaxant la prévenue du chef d’un appel au boycott

– un arrêt de la Cour d’Appel de Paris en date du 24 Mai 2012 confirmant l’arrêt précédent (mais condamnant la prévenue d’un autre chef)

Pour être complet, voici un arrêt de la Cour de Cassation, confirmant l’arrêt de la Cour d’Appel de Bordeaux. On voit que sur ce terrain aussi, il faut se battre pour imposer le droit. En fin de compte, ce qui est visé, c’est la liberté d’expression des citoyens.