Sur la collaboration de l’IRT Antoine de Saint-Exupéry avec l’université d’Ariel

Lettre envoyée le 20 octobre 2020 par l’AURDIP à Madame Vidal, Ministre ESRI, et restée sans réponse.

Mme Frédérique Vidal
Ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation

Madame le Ministre,

Nous avons l’honneur de vous saisir d’une situation nécessitant votre intervention. L’Association des Universitaires pour le Respect du Droit International en Palestine (AURDIP) a écrit le 12 avril 2019 à la présidence de l’Institut de Recherche Technologique (IRT) Antoine de Saint-Exupéry puis par courriel le 21 juillet 2019. Nos envois n’ont reçu aucune réponse.

L’IRT Antoine de Saint-Exupéry entretient des activités avec l’université d’Ariel, une université israélienne située dans une colonie israélienne en territoire palestinien occupé. Des documents disponibles sur les sites internet de l’IRT Antoine de Saint-Exupéry et de l’université d’Ariel (présentée comme située en Israël) attestent d’une collaboration institutionnelle entre ces deux établissements. Une plaquette de l’IRT Antoine de Saint-Exupéry, qui recense les différentes universités étrangères collaborant avec lui, mentionne d’ailleurs l’université d’Ariel comme partenaire et indique que celle-ci se trouve en Israël. La collaboration entre les deux établissements a donné lieu à des conférences, écoles d’été, recherches et publications communes.

L’AURDIP se permet de vous signaler que l’université d’Ariel ne se trouve pas en Israël ou sur le territoire israélien, mais bien dans les territoires palestiniens occupés. L’université d’Ariel (centre universitaire créé en 1982, devenu université en 2012) est en fait érigée dans une colonie israélienne au sein de ces territoires.

Comme vous le savez, la colonisation israélienne constitue une violation du droit international (et un crime de guerre) et toutes les colonies israéliennes situées au sein des territoires palestiniens occupés sont illégales. Telle est d’ailleurs la position constante des autorités françaises, en phase avec l’avis du 9 juillet 2004 de la Cour internationale de Justice qui rappelle que les Etats membres de la communauté internationale ont l’obligation de ne pas reconnaître ces colonies, de ne leur apporter aucune aide ou assistance et de faire pression sur l’Etat d’Israël pour qu’il cesse la colonisation.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’Union européenne s’est dotée le 19 juillet 2013 des « lignes directrices relatives à l’éligibilité des entités israéliennes établies dans les territoires occupés par Israël depuis juin 1967 et des activités qu’elles y déploient aux subventions, prix et instruments financiers financés par l’UE à partir de 2014 » (2013/C 205/05 ; JOUE du 19.7.2013 C 205/9 à C 205/11), qui interdisent les subventions, bourses et instruments financés par l’UE à toute entité israélienne établie dans les territoires palestiniens occupés par Israël depuis 1967, y compris Jérusalem-Est, mais également à toute activité israélienne qui y a lieu.

Le soutien, direct ou indirect, par un établissement public français comme l’IRT Antoine de Saint-Exupéry à des activités de recherche ou d’enseignement dans la colonie israélienne d’Ariel, constitue un encouragement à la politique israélienne de colonisation et est donc une violation du droit international. Cette collaboration est contraire à la position de la France et de l’Union européenne, et aux textes européens qui interdisent, même indirectement, ce type de collaboration. Elle peut nuire à la réputation de l’IRT et en outre fait courir un risque juridique tant à sa direction qu’à son personnel.

Nous attirons votre attention sur le fait que la situation actuelle contredit la position du ministère français de l’enseignement supérieur et de la recherche qui, dans un précédent courrier du 16 mai 2014 (dont nous vous joignons la copie), nous a assuré qu’il veillait à ce qu’aucune opération de coopération ne soit menée avec une entité de recherche ou d’enseignement située dans une colonie israélienne.

Nous souhaitons donc que vous interveniez auprès de l’IRT Antoine de Saint-Exupéry afin que cesse toute collaboration avec l’université d’Ariel.

Nous vous remercions par avance pour la suite que vous donnerez à notre courrier et restons à votre disposition pour échanger à ce sujet si vous le souhaitez.

Joseph Oesterlé
Professeur de mathématiques émérite à Sorbonne-Université
Président de l’association des universitaires pour le respect du droit international en Palestine (AURDIP)

Copie à Mme Geneviève Fioraso, Présidente de l’Institut de de Recherche Technologique (IRT) Antoine de Saint-Exupéry.