Jean-François Corty, président de Médecins du Monde, juge « terrifiante » une initiative française visant à enquêter sur de possibles infiltrations d’ONG par le Hamas, proposée par le ministre délégué chargé de l’Europe, Benjamin Haddad. « Ça entretient le doute sur nos organisations et ça s’inscrit parfaitement dans le discours de l’extrême droite israélienne », estime-t-il, dénonçant l’idée selon laquelle les ONG seraient à la fois « potentiellement infiltrées par le Hamas » et « des organisations politiques ». « Ce qu’on demande, ce n’est pas que notre ministre nous délégitime », conclut-il, mais « qu’il fasse en sorte que le droit international soit respecté à Gaza, que l’aide rentre et que les humanitaires ne soient pas tués ».
Le processus de réengistrement par Israël devait se clôturer en septembre. « Il a été prolongé et aujourd’hui on ne sait pas si on va pouvoir continuer à travailler », explique Jean-François Corty, le président de l’ONG, inquiet de voir certaines organisations se voir « refuser leur permis ».
Jean-François Corty, président de Médecins du Monde, dénonce jeudi 25 décembre sur franceinfo une remise en cause croissante du travail des organisations humanitaires dans la bande de Gaza, évoquant des restrictions administratives, des entraves à l’aide et une « délégitimation » assumée des ONG critiques de l’action israélienne, et ce malgré l’entrée en vigueur de l’accord sur un cessez-le-feu depuis le 10 octobre.
Depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas, les organisations humanitaires alertent sur les restrictions d’accès, les risques sécuritaires et les accusations politiques de collusion avec le Hamas visant leur action, dans un territoire soumis à un blocus strict et à des opérations militaires de grande ampleur. « Nous sommes dans un processus de réenregistrement puisque ça fait des années qu’on travaille à Gaza et en Cisjordanie », explique Jean-François Corty. « Ce processus aujourd’hui est toujours en cours. Il devait se clôturer en septembre, il a été prolongé et aujourd’hui on ne sait pas si on va pouvoir continuer à travailler de manière formelle », ajoute-t-il, évoquant un contexte dans lequel « certaines organisations se sont vu refuser leur permis de retravailler comme Save the Children » qui est pourtant « une organisation humanitaire internationale mondialement reconnue ».
Mi-décembre, la rédaction internationale de Radio France révélait qu’Israël était en train de remettre à plat le système d’enregistrement des ONG opérant à Gaza pour écarter celles jugées « hostiles » ou « sympathisantes du terrorisme ». Selon Jean-François Corty, ce durcissement contraste avec le traitement réservé à d’autres acteurs humanitaires. « Certaines organisations d’obédience américaine évangéliste, totalement alignées sur le discours de Monsieur Trump, qui est un discours colonial, avec l’idée de faire une Riviera à Gaza sans qu’il y ait d’autodétermination palestinienne », peuvent poursuivre leurs activités, car « on sait qu’elles ne feront pas de plaidoyer et qu’elles ne contesteront pas ce problème », affirme-t-il.
Une stratégie à long terme
Le président de Médecins du Monde estime que cette situation s’inscrit dans une stratégie de long terme. « Aujourd’hui Israël est dans un processus de délégitimation des ONG qui n’est pas nouveau », déclare-t-il, évoquant en premier lieu les pertes humaines.
« Le processus de délégitimation, il a commencé par le fait de nous tuer. Ensuite, il a continué par le fait d’empêcher que l’aide rentre de manière proportionnée pendant deux ans. » – Jean-François Corty, président de Médecins du monde à franceinfo
« Et ça continue encore aujourd’hui », affirme Jean-François Corty. Il cite notamment les pertes humaines parmi les personnels de l’UNRWA (Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine au Proche-Orient), de Médecins du Monde et de Médecins sans frontières, qui « a perdu quinze membres de ses équipes ». Selon l’ONG, depuis octobre 2023, plus de 400 travailleurs humanitaires et plus de 1 300 professionnels de santé ont été tués à Gaza.
Le président de Médecins du Monde met également en cause les restrictions imposées à l’information. « On crée les conditions de rendre plus difficile le travail, non seulement des journalistes qui ne peuvent toujours pas rentrer, mais aussi des organisations humanitaires », avance-t-il, soulignant que ces ONG sont à la fois engagées « dans l’opérationnel » et dans le « témoignage », ce qui « pose problème pour les autorités israéliennes ».
Jean-François Corty juge « terrifiante » une initiative française visant à enquêter sur de possibles infiltrations d’ONG par le Hamas, proposée par le ministre délégué chargé de l’Europe, Benjamin Haddad. « Ça entretient le doute sur nos organisations et ça s’inscrit parfaitement dans le discours de l’extrême droite israélienne », estime-t-il, dénonçant l’idée selon laquelle les ONG seraient à la fois « potentiellement infiltrées par le Hamas » et « des organisations politiques ». « Ce qu’on demande, ce n’est pas que notre ministre nous délégitime », conclut-il, mais « qu’il fasse en sorte que le droit international soit respecté à Gaza, que l’aide rentre et que les humanitaires ne soient pas tués ».
