Paris reprend discrètement ses évacuations vers la France

Après près de trois mois de blocage des opérations, une vingtaine d’étudiants boursiers ont été évacués de l’enclave palestinienne ce dimanche 26 octobre dans la matinée. Depuis le début du conflit, environ 500 personnes ont pu être exfiltrées vers le territoire français.

Après près de trois mois d’interruption, la France a relancé ses opérations d’évacuation depuis la bande de Gaza. Selon plusieurs sources concordantes, une nouvelle sortie a eu lieu ce dimanche 26 octobre à l’aube, marquant une reprise depuis le 1er août, date à laquelle Paris avait officiellement gelé les évacuations. Une vingtaine d’étudiants boursiers ont pu franchir le point de passage, mais plusieurs familles de ressortissants français ont vu leur départ annulé in extremis, sans explication.

Les personnes autorisées à quitter Gaza figuraient déjà sur la liste d’une opération prévue le 6 août, finalement suspendue par les autorités françaises. Les lauréats du programme PAUSE, un dispositif d’accueil de chercheurs et d’artistes palestiniens en exil, n’étaient, en revanche, pas inclus dans ce convoi.

Arrivée prévue mardi

Le point de départ, convenu discrètement entre le consulat de France à Jérusalem et les personnes inscrites sur les listes consulaires, se trouvait dans le centre de la bande de Gaza. Des messages échangés sur WhatsApp précisaient les consignes à suivre : se présenter avec un «petit sac souple» contenant uniquement les papiers d’identité, un téléphone, des médicaments, de l’argent et quelques vêtements. Après plusieurs contrôles de sécurité menés par les autorités israéliennes, le groupe a franchi le poste-frontière de Kerem Shalom, dans le sud de Gaza, avant d’être pris en charge par des agents du consulat de France côté israélien. Les évacués doivent ensuite transiter en bus jusqu’en Jordanie, avant une arrivée prévue à Paris mardi.

Contacté, le Quai d’Orsay n’a pas souhaité confirmer ni démentir la tenue de cette évacuation, indiquant simplement «travailler à la reprise des sorties depuis Gaza» : «Ces opérations, lorsqu’elles sont possibles, sont d’une complexité extrême au regard des conditions de terrain et d’un éventuel accord des autorités israéliennes», précise une source diplomatique.

Lors de l’audience du 3 octobre devant le Conseil d’Etat, saisi par plusieurs artistes, chercheurs, étudiants et familles de réfugiés gazaouis, le ministère des Affaires étrangères avait finalement révoqué sa décision de suspension et repris la planification des évacuations, sans donner davantage d’explications.

Dans un communiqué conjoint publié à l’issue de l’ordonnance rendue par la plus haute juridiction administrative française, plusieurs organisations de défense des droits humains avaient dénoncé les «propos incohérents», les «informations contradictoires» et «l’opacité» qui entourent la gestion de Paris dans ces dossiers.

«Punition collective et discriminatoire»

Le gel des évacuations de Gaza vers la France remonte au 1er août, lorsque le chef de la diplomatie française, Jean-Noël Barrot, avait annoncé la suspension immédiate de toutes les opérations. Une décision brutale annoncée à la suite de la découverte de publications à caractère antisémite relayées sur les réseaux sociaux par Nour A., une étudiante gazaouie inscrite à Sciences Po Lille, arrivée quelques semaines plus tôt en France.

L’affaire avait entraîné son départ vers le Qatar et conduit le Quai d’Orsay à ouvrir une enquête interministérielle sur les procédures de sélection et de contrôle des évacués. De nombreuses organisations de défense des droits humains avaient alors dénoncé une «punition collective et discriminatoire» à l’égard des Palestiniens de Gaza.

Au total, environ 500 personnes ont été évacuées de l’enclave palestinienne vers la France en un peu plus de deux ans. Pour espérer quitter Gaza, les candidats doivent figurer sur une liste établie par la cellule de crise du consulat à Jérusalem, fournir des justificatifs et répondre à des critères d’éligibilité : Français, familles de Français et de réfugiés, liens professionnels ou culturels avec la France, étudiants ou bénéficiaires de bourses comme Pause. La liste des individus sélectionnés est ensuite soumise aux autorités israéliennes pour validation.

«Ces critères évoluent sans cesse», expliquait récemment une source diplomatique, précisant que toutes ces personnes ont «une raison d’être en France, on considère qu’on leur doit quelque chose». La France a également, à de rares occasions, accueilli des Palestiniens malades ou blessés : selon MSF, seuls 27 patients ont pu bénéficier d’une évacuation médicale depuis le 7 octobre 2023.