La pression monte sur le CERN et sa coopération avec Israël

Une pétition signée par un millier de scientifiques, des ONG qui se mobilisent, une action symbolique devant l’institution: le Conseil du CERN est sommé d’examiner ses accords de coopération.

En bref:

  • Des activistes ont retiré le drapeau israélien devant l’entrée du CERN à Meyrin.
  • Plus de 1000 scientifiques, par le biais d’une pétition, demandent une réévaluation de la coopération avec Israël.
  • L’organisation avait déjà suspendu ses accords avec la Russie en 2022.

L’action est symbolique, mais elle traduit une mobilisation croissante au sujet de la coopération de l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire (CERN) avec Israël, dans le contexte des massacres commis à Gaza: vendredi 1er août, un petit groupe d’activistes s’est filmé devant l’entrée de l’institution, à Meyrin, en train de descendre le drapeau israélien de son mât, puis de le jeter dans une poubelle.

«Notre action était pacifique, nous avons agi à visage découvert, car en tant que Genevois, nous pensons que le CERN représente des valeurs importantes pour notre ville. Il doit stopper toute collaboration avec Israël», nous dit l’une des militantes, jointe par téléphone. «Le service de sécurité s’est montré nerveux, et le CERN a déposé une plainte à notre encontre», précise-t-elle.

Pétition émanant de scientifiques

L’incident de Meyrin, bien qu’isolé, témoigne d’une pression grandissante sur l’institution. Comme le révélait mercredi dernier «Le Courrier», une pétition signée de plus d’un millier de scientifiques, travaillant sur le site ou en partenariat avec le CERN, circule actuellement. Elle demande au Conseil du CERN, l’autorité suprême constituée de ses États membres, de réévaluer la coopération avec Israël et sa conformité avec les valeurs de l’institution au vu des nombreuses exactions commises par cet État à Gaza.

«Selon le code de conduite du CERN, les collaborateurs doivent adopter un comportement éthique, faire preuve d’honnêteté intellectuelle et être responsables de leurs actes. Nous pensons que cela s’applique également aux États membres et implique que l’adhésion au CERN exige le respect du droit international, des institutions internationales et, surtout, le respect des droits humains», écrivent les scientifiques dans ce texte.

Le précédent russe au CERN

Depuis 2014, Israël est l’un des 25 États membres du Conseil du CERN, il fait donc partie de sa gouvernance. Les scientifiques signataires de la pétition ne remettent pas en cause ce statut. Mais de fait, ils le questionnent, en relevant qu’en mars 2022, le Conseil avait statué que «l’agression d’un pays par un autre va à l’encontre des valeurs défendues par l’organisation», ce qui l’avait amené à suspendre ses accords de coopération avec la Russie, laquelle avait un statut d’observateur.

Cette suspension avait formellement pris forme en novembre 2024, avec toutefois le maintien d’un lien, très contesté, avec l’Institut unifié de recherches nucléaires, près de Moscou.

Tout comme il a été amené à le faire pour la Russie, le Conseil du CERN, jusqu’ici silencieux sur la situation au Moyen-Orient, sera-t-il poussé à examiner ses relations avec Israël?

Contacté, le service de communication répond de manière formelle: «Le Conseil du CERN se réunit généralement quatre fois par an. L’ordre du jour du Conseil est préparé par le président du Conseil et adopté par le Conseil lui-même, lors de cette adoption les États membres peuvent également demander des modifications.» Il rappelle au passage que «le CERN est dans sa fondation même une institution de paix qui réunit les nations au-delà des frontières».

Contacté, un scientifique palestinien qui collabore avec le CERN se demande si le Conseil aura le courage d’empoigner ce dossier, mais se dit convaincu que cela aurait son importance. «Il faudrait déjà que les scientifiques israéliens commencent par dénoncer cette guerre», dit-il. Pour lui, il ne fait pas de doute non plus que le CERN doit couper la coopération avec Israël dans la mesure où «cet État utilise des connaissances scientifiques pour mener sa guerre à Gaza».

«Le CERN doit examiner les accords de coopération»

À cette pétition s’ajoutent d’autres voix, dont celle de Science4Peace Forum. Cette association, créée dans le contexte de la guerre en Ukraine pour défendre une recherche fondamentale se maintenant à l’écart des conflits armés, avance elle aussi des revendications.

«Nous demandons notamment une enquête sur les accords de coopération avec Israël afin que le CERN s’assure que ceux-ci ne servent pas des activités militaires, conformément à ses conventions et à ses valeurs», explique Hannes Jung, membre de cet organisme. «Si des instituts devaient être directement impliqués dans la guerre, dans des crimes contre l’humanité et des violations des lois internationales, cette coopération ne pourrait pas se poursuivre.» Une position également défendue par les pétitionnaires.

Science4Peace Forum précise qu’«il ne s’agit pas de demander l’exclusion d’Israël du Conseil du CERN, la coopération civile doit être maintenue, car la recherche fondamentale doit être porteuse de paix».

Au Moyen-Orient, le Centre international de rayonnement synchrotron pour les sciences expérimentales et appliquées (SESAME) a longtemps porté ce message. Ce programme, sis en Jordanie et soutenu par l’Unesco, rassemble dans sa gouvernance l’Iran, Israël, la Palestine, l’Égypte, la Jordanie, le Pakistan, la Turquie et Chypre. Résistera-t-il à la géopolitique et aux souffrances?