Réalisé par Iyad Alasttal, le long-métrage dépeint, sans montrer directement, la violence des bombardements israéliens, la souffrance du quotidien des Gazaouis.
La guerre, bien qu’elle soit un destructeur implacable, révèle aussi la force de l’esprit humain. Les citoyens de Gaza, des personnes talentueuses, entre autres musiciens, artistes, journalistes, femmes, enfants et hommes, malgré la souffrance infinie donnent vie à leurs inspirations, transformant la douleur en énergie qui transcende le temps. Ainsi, la vie sous les bombardements, malgré son horreur, devient un témoignage poignant de la lutte pour la paix et la dignité.
Pour l’honneur de Gaza, est un récit de survie, mais aussi d’espoir, où l’amour, et l’attachement à la vie du peuple palestinien à Gaza, illuminent les jours sombres et difficiles depuis plus de 17 mois, rappelant à chacun que, malgré la guerre et la destruction, la vie continue dans les camps et sous les tentes, prouvant que même dans l’adversité, l’esprit humain de « peuple de Gaza » demeure indomptable.
Gaza Stories : la chaîne Youtube du réalisateur Iyad Alasttal
«Pour l’honneur de Gaza», chronique d’une survie sous les bombes
Lily Chavance | Libération
Réalisé par Iyad Alasttal, le long-métrage, projeté mardi 27 mai à l’Institut du monde arabe à Paris, dépeint, sans montrer directement, la violence des bombardements israéliens, la souffrance du quotidien des Gazaouis.
Dans chaque plan, la souffrance qu’endurent les Gazaouis se ressent, suinte des regards, des paroles et des ruines. Pourtant, en une heure quarante, le long métrage Pour l’honneur de Gaza d’Iyad Alasttal ne montre qu’une seule fois, de manière explicite, les bombardements israéliens sur l’enclave. Et c’est dans une salle feutrée de l’Institut du monde arabe à Paris, mardi 27 mai, lors d’une projection-débat, que le public confortablement installé reçoit de plein fouet ces cris de douleurs et de résilience, sans musique dramatique ni image choc.
«Ce film est un film de vie», tranche directement sur scène Jack Lang, président de l’institution culturelle, avant le début de la projection. A ses côtés, le réalisateur palestinien a le rictus timide de ceux qui n’ont rien à prouver. «Il n’y a aucun mot de haine, ni scène de violence. Mais derrière tous ces messages : une souffrance»,prévient-il.
Pendant près de deux heures, la réalité, nue, sans filtre, telle qu’elle est à Gaza (https://www.liberation.fr/dossier/gaza-l-escalade/) depuis octobre 2023, éclate. Véritable prouesse technique au vu des conditions sur place, le documentaire, produit par la société de distribution MaâtMov, rassemble des images tournées à Gaza. Certaines ont été captées par le réalisateur, qui réside en France depuis février 2024, d’autres, par des fixeurs toujours dans l’enclave.
Des visages et des portraits
Pas de bombes, pas de drones, pas de soldats ni de cadavres, mais des visages et des portraits. Hommes, femmes, enfants, jeunes et vieux racontent, les uns après les autres, leur guerre, le défi des tâches quotidiennes, comme parvenir à se nourrir. Pour panser leur quotidien éclaté, certains chantent, d’autres jouent de la musique, dessinent, ou improvisent un spectacle de marionnettes sur les décombres.
Dès les premières minutes, le spectateur déambule avec un ancien pêcheur dans les ruines de Gaza : il refuse de fuir, et préfère que son corps soit retrouvé chez lui, dans sa maison. Il raconte l’avant-guerre, le Gaza prospère, l’abondance de la pêche et des denrées fraîches. L’homme aux traits tirés, privé de tout, rapporte, depuis une épicerie aux rayons vidés, que les quelque 250 grammes de tomates avoisinent aujourd’hui les vingt euros.
Oday, lui, est dentiste et, alors que les «odeurs de cadavres sont partout», il soigne, dans sa tente de fortune, les enfants. Le médecin à la blouse orange a recyclé un siège auto pour s’occuper de ses jeunes patients. Et avec les maigres moyens à sa disposition, il continue de sensibiliser aux premiers gestes d’hygiène, relayés – naturellement dans une telle situation – au second plan.
«Les larmes sont un luxe»
Puis vient l’histoire de Faraj. Dans la salle de projection, les spectateurs ont le souffle coupé, les larmes coulent. Arrêté par l’armée israélienne pendant 18 jours, l’homme traumatisé raconte, sans haine, mais la voix nouée, la torture qu’il a subie. Interrogé, mis à nu, frappé, fouetté, sous-alimenté pendant sa détention, sa mère ne l’a pas reconnu à son retour.
Au fur et à mesure que les témoignages s’enchaînent, la détresse défile. Wissam est journaliste et avoue son regret d’avoir eu des enfants. La crainte de les voir mourir est son angoisse quotidienne. Réfugiée dans une étroite tente face à la mer, elle parle d’un temps figé, celui où «le chagrin est suspendu et les larmes sont un luxe».
Sama, huit ans, elle, ne quitte plus son bandana rose vissé sur son crâne. Traumatisée par les bombardements, les sirènes d’alerte et les morts, la jeune fille a perdu tous ses cheveux. Son rêve ? «Pouvoir à nouveau se faire des nattes et avoir une maison en dur»,lâche-t-elle avant d’éclater en sanglots.
Continuer à susciter le débat
Le film s’achève sur une chanson douce, accompagnant des images de déplacement de la population gazaouie. Dans la salle, un autre tempo prend le relais. Applaudissements, et même standing ovation, le slogan «Free Palestine» est fièrement scandé.
Le réalisateur et le producteur remontent sur scène. «Je n’ai plus les mots pour décrire cette persécution contre les Palestiniens qui dure depuis plus de 75 ans», lâche Iyad Alasttal. Le débat est lancé et les messages des associations de soutien à la Palestine présentes dans la foule fusent. «Il y a urgence de reconnaître un Etat palestinien»,disent certains, «c’est un génocide, mettons les termes exacts», fustigent d’autres.
Les questions s’enchaînent : «Avez-vous des nouvelles de la petite fille qui a perdu ses cheveux ?» ;«Que deviennent tous les autres personnages ?» demandent les spectateurs. Iyad Alasttal ne sait pas. Son documentaire n’est qu’une infime portion d’un travail entamé depuis 2019. Ce fondateur de Gaza Stories – un webdocumentaire sur la vie quotidienne des Palestiniens à Gaza – a capturé, même avant le début des bombardements, des centaines d’autres témoignages comme ceux exposés.
Déjà projeté à l’Assemblée nationale en avril, le producteur clôt la soirée sur la difficulté à «faire accepter ces films engagés». Ce documentaire doit désormais être visionné «le plus possible et continuer de susciter des débats», assure-t-il, alors qu’aucune date de projection n’a encore été officiellement programmée. Tandis que les derniers spectateurs empruntent le couloir de la sortie, leurs voix s’accordent pourtant : Pour l’honneur de Gaza doit être vu partout et par tous.