La KU Leuven impliquée dans un projet avec la police israélienne. Lettre ouverte au recteur Torfs

Le comité de direction de BACBI (Boycott académique et culturel belge d’Israël) demande respectueusement au recteur de l’Université de Louvain (Leuven) de mettre d’urgence un terme à la participation de l’université dans des recherches dirigées non seulement par une université israélienne, mais impliquant également la police israélienne. Ces recherches concernent la « fluidité des interrogatoires ». Vous lisez bien : l’Europe doit apprendre chez les Israéliens comment s’y prendre pour mener à bien un interrogatoire. Et l’Université de Louvain (Leuven) y collabore.

Monsieur le Recteur,

À notre grande surprise, nous apprenons que la KU Leuven est concernée en tant que participante dans le « Law Train ». Il s’agit ici d’un projet d’étude dans le cadre du programme européen Horizon 2020 de recherche et d’innovation. Le projet est coordonné par l’Université israélienne de Bar Ilan et, parmi les partenaires de ce projet, outre nombre de ministères européens de la Justice (dont le nôtre), figure également l’équipe de la police nationale israélienne, qui dépend du ministère israélien de la Sécurité publique.

Le projet vise entre autres à peaufiner davantage les techniques d’interrogatoire utilisées par la police. Depuis des années déjà, non seulement l’armée, mais également les services de police israéliens (la fameuse police des frontières et le service de renseignement Shin Bet) jouent un rôle de premier plan dans le maintien sous le joug de la population palestinienne. Hormis la violence des armes (dont les exécutions extrajudiciaires), ce rôle consiste également en enlèvements effectués lors de raids, même nocturnes, et en incarcérations. Pour le seul moins d’avril de cette année, 567 Palestiniens ont été emprisonnés (depuis octobre, le nombre d’incarcérations s’élève à 5 334) ; 123 d’entre eux étaient des enfants (le plus jeune avait à peine 12 ans). Des rapports, émanant entre autres de la Commission de l’ONU contre la torture, dénoncent le recours durant les interrogatoires à la torture psychologique, à la maltraitance, aux menaces, etc. Les services carcéraux ont engagé une unité spéciale pour les punitions collectives. En outre, des enfants sont systématiquement arrêtés, maltraités et emprisonnés (et souvent enfermés en isolement). Tout ceci dans le but non seulement de briser une génération qui résiste, mais aussi et surtout pour frapper les familles des enfants arrêtés.

Cette problématique de la torture des enfants par la police et les prisons pour enfants est dénoncée par bon nombre d’organisations des droits de l’homme (comme Human Rights Watch, l’UNICEF). Elle est, convient-il de dire, en contradiction avec la Charte internationale des droits de l’enfance (cosignée par Israël en 1991). Cela rend plus navrante encore la participation de notre université au projet susmentionné. Ce mardi 24 mai, le Professeur Peter Adriaenssens donnera une conférence à Louvain (Leuven), laquelle traitera des conséquences de ces arrestations d’enfants. Nous vous invitons, Monsieur le Recteur, à venir écouter son plaidoyer saisissant. Il ne manquera pas de vous interpeller.

En collaborant à semblable projet, la KU Leuven risque non seulement de devenir complice de violations du droit international et des droits de l’homme. Elle contribuerait également à ce que de telles pratiques se répandent à leur tour en Europe et elle légitimerait la police israélienne en tant qu’instance légale respectable ainsi que l’État d’Israël en tant qu’État de droit. À nos yeux, tout cela est absolument immoral et, partant, inacceptable. Le fait que le coordinateur du projet est une université ne peut en aucun cas être utilisé comme paravent : les universités israéliennes constituent l’un des importants piliers de la politique israélienne d’occupation et d’apartheid.

Au nom des 658 signataires belges de l’appel au boycott académique et culturel d’Israël (BACBI), parmi lesquels des dizaines de professeurs et chercheurs de la KU Leuven, nous vous demandons que l’université se retire immédiatement de ce projet de recherche.

Comme l’ont également révélé la question adressée par Tine Soens au ministre de l’Enseignement à propos de l’implication de l’Université de Gand dans la recherche avec les universités et l’industrie de l’armement israéliennes et la réponse de Hilde Crevits, il est grand temps que les universités belges assument leurs responsabilités et fassent en sorte que « l’éthique de la recherche » ne reste pas une expression vide de sens, ne servant que de façade.

Avec nos salutations les plus respectueuses.

Le comité de direction de BACBI

Pr. Marie-Christine Closon (UCLouvain), Pr. Patrick Deboosere (VUBrussel), Pr. Lieven De Cauter (KULeuven), Pr. Ém. Herman De Ley (UGent), Lieve Franssen (dirigeante du Choeur Brecht-Eisler de Bruxelles), Carl Gydé (directeur de la maison de la culture CAMPO, Gand), Pr. Perrine Humblet (ULBruxelles), Pr. Marc Jacqumain (ULiège), Raven Ruëll (metteur en scène).