Des associations s’élèvent contre la présence de représentants israéliens à un salon de l’armement

Plusieurs associations ont sommé, vendredi 25 octobre, la société organisatrice du prochain salon Euronaval « d’empêcher la vente ou l’achat d’armes susceptibles d’être utilisées dans les crimes commis en Palestine, dans les territoires palestiniens occupés et au Liban ».

Alors que les armes qu’elle fabrique sont utilisées depuis un an pour semer la mort et la dévastation dans la bande de Gaza, au mépris du droit international humanitaire, l’industrie de défense israélienne pourra-t-elle s’afficher, comme si de rien n’était, lors d’un salon professionnel bientôt organisé en France ?

Le salon Euronaval, qui réunit entreprises de la filière navale de défense (constructeurs de navires, de missiles, de matériel de plongée pour les forces spéciales, d’instruments de navigation et de surveillance…), militaires et représentant·es d’État et de gouvernement, se tiendra du 4 au 7 novembre au parc des expositions de Villepinte (Seine-Saint-Denis).

Les fabricants d’armes israéliens pourront-ils y disposer de stands, y exposer leurs équipements militaires et vanter leurs mérites ? À l’inverse, des représentants israéliens ou leurs intermédiaires, acheteurs d’armes, pourront-ils profiter de ce salon français pour trouver de nouveaux fournisseurs et discuter de futurs contrats avec des entreprises étrangères ?

L’idée semble absurde, alors qu’il est manifeste depuis bien longtemps que la guerre menée par Israël n’est plus une simple opération « défensive » contre les combattants du Hamas mais bien une guerre contre la Palestine, y compris ses civils, et qu’Emmanuel Macron lui-même a répété ces dernières semaines qu’il était opposé à toute vente d’armes à Israël qui pourraient servir à Gaza ou au Liban.

Elle n’est pourtant pas exclue. Un bras de fer politico-juridique est engagé, depuis la mi-octobre, pour en décider. Il oppose des collectifs de soutien à la Palestine et de défense des droits humains à des représentants de l’État israélien et de ses industries de l’armement. Avec, entre les deux, des autorités françaises et des organisateurs du salon manifestement gênés et louvoyants.

Une « sommation interpellative »

Dernier acte en date de ce bras de fer : plusieurs associations et collectifs ont envoyé, vendredi 25 octobre, une mise en demeure à l’organisateur, afin d’interdire la présence d’entreprises et de délégations israéliennes à Euronaval. Formellement, l’ONG palestinienne Al-Haq, les associations françaises EuroPalestine, Stop Fueling War, Action sécurité éthique républicaines (ASER) et l’Union juive française pour la paix (UJFP) ont adressé aux organisateurs du salon une « sommation interpellative », qui pourrait déboucher sur une action en justice.

Cette sommation donne huit jours à la société qui organise Euronaval, la Sogena, pour prendre des mesures afin «d’empêcher la vente ou l’achat d’armes susceptibles d’être utilisées dans les crimes commis en Palestine, dans les territoires palestiniens occupés et au Liban ». Cela passe, estiment les collectifs à l’origine de cette sommation, par l’interdiction d’accès au salon «  toutes les entreprises, délégations [et] intermédiaires israéliens ».

Cette initiative fait suite à ce qui ressemble fort à un revirement de l’exécutif français. Après avoir annoncé le 16 octobre que le gouvernement français validait la participation d’entreprises israéliennes au salon mais « sans stands ni exposition de matériel », Euronaval s’est fendu d’une nouvelle communication, trois jours plus tard, affirmant que ces entreprises étaient finalement autorisées à « disposer d’un stand d’exposition », « sous réserve que leurs produits ne soient pas utilisés dans les opérations militaires à Gaza et au Liban ».

Entre-temps, Paris avait été vivement critiqué par le gouvernement israélien. « La décision de discriminer une seconde fois les industries de défense israéliennes en France aide les ennemis d’Israël pendant la guerre », avait jugé le ministre de la défense israélien, Yoav Gallant, qualifiant les initiatives d’Emmanuel Macron concernant la guerre au Proche-Orient de « honte pour la nation française ».

Le précédent d’Eurosatory

La condition posée par l’exécutif français (ne pas exposer d’armes utilisées à Gaza ou au Liban) ne convainc pas les organisations mobilisées contre la venue de délégations israéliennes. D’abord parce qu’au-delà de Gaza et du Liban, les armes israéliennes ont aussi fait des victimes en Cisjordanie, au Yémen ou encore en Syrie ; ensuite parce que même s’il était pertinent, un tel tri serait difficile.

« Je ne pense que pas que la Sogena ni même le gouvernement français aient demandé au gouvernement israélien une liste précise du matériel utilisé à Gaza et au Liban », objecte Laura*, membre du collectif Stop Arming Israel France, qui soutient l’action lancée vendredi. « Le complexe militaro-industriel israélien est un ensemble, c’est un écosystème interconnecté, il ne suffit pas de choisir les “bonnes armes” à exposer : le nourrir enrichira de toute façon ces entreprises », poursuit-elle.

Une analyse partagée par la plateforme Droits et mouvements sociaux, qui coordonne et conseille juridiquement les associations à l’origine de cette mise en demeure. « Quand bien même cela serait possible de trier » entre armes utilisées ou non à Gaza et au Liban, « l’argent est fongible, et cette présence au salon renforce dans tous les cas le pouvoir économique d’entreprises qui livrent des armes à l’État d’Israëldans le contexte que l’on sait »,observe sa coordinatrice*.

En juin 2024, une action en justice similaire avait conduit à annuler la participation d’entreprises israéliennes à un autre salon militaire qui se tenait en France, Eurosatory. La cour d’appel de Paris avait fini par autoriser leur présence – mais trop tard pour que ces délégations puissent participer en nombre.

Sollicités par Mediapart à propos de cette nouvelle mise en demeure, la Sogena ainsi que le ministère des armées n’avaient pas réagi à l’heure où nous publions (voir la boîte noire de cet article).

À ce jour, deux entreprises israéliennes sont répertoriées parmi les exposants du salon Euronaval. L’une d’elles, DSIT Solutions, est une filiale de Rafael Advanced Defense Systems, groupe qui produit, entre autres, des drones de reconnaissance utilisés dans la bande de Gaza.

Justine Brabant