Évaluation rapide des institutions de l’enseignement supérieur de Gaza – rapport final de l’UNESCO

Introduction Un nouveau rapport de l’UNECSO examine les dommages matériels, humains et éducatifs subis par les 26 institutions de l’enseignement supérieur (higher education institutions – HEI) de Gaza pendant les….

Introduction

Un nouveau rapport de l’UNECSO examine les dommages matériels, humains et éducatifs subis par les 26 institutions de l’enseignement supérieur (higher education institutions – HEI) de Gaza pendant les 50 jours de conflit, du 7 juillet au 26 août 2014. Ce document fournit un bref résumé des conclusions du rapport.

La grave escalade dans les hostilités à l’époque a entraîné des bombardements israéliens aériens et navals intenses et des tirs palestiniens de roquettes. La crise a été sans précédent, provoquant des destructions et déplacements à une grande échelle. Au 15 octobre 2014, ce sont 2205 Palestiniens (1483 civils) et 71 Israéliens (4 civils) qui ont été tués et le nombre de logements détruits est estimé à 14 000. Environ un demi-million de Palestiniens ont été déplacés au moment du conflit (100 000 étant toujours déplacés aujourd’hui) et 108 000 restant encore sans abri. [[Source : UNOCHA (Office des Nations-Unies pour la coordination des affaires humanitaires) ; information vérifiée le 18 novembre 2014.]]

Aucune protection de l’enseignement n’a pu être assurée contre les attaques durant les 50 jours de crise. En plus des écoles maternelles, primaires et secondaires, et des autres centres d’enseignement [[Les premières estimations par l’UNDP (Programme de développement des Nations-Unies) portent les dommages matériels dans l’ensemble du secteur de l’enseignement à 16 397 254 dollars US. Cette somme se décompose comme suit : écoles maternelles : 633 600 $ ; écoles : 7 384 478 $ ; centres d’enseignement : 1 016 703 $ : instituts de l’enseignement supérieur : 7 362 473 $. Données fournies par l’UNDP le 16 novembre 2014.]], les HEI ont été directement prises pour cibles lors des hostilités, subissant des préjudices importants et des pertes en vies humaines parmi les populations salariées et estudiantines, de même que des dommages sur des infrastructures essentielles, notamment les bâtiments et les équipements. De telles attaques ont eu un impact dévastateur sur l’accès à l’enseignement supérieur, et elles ont des implications pour le développement à long terme.

L’impact sur les étudiants et les personnels

Les étudiants dans les HEI ont été touchés de façon disproportionnée par le conflit. Ceux qui ont été tués durant le conflit constituent plus du quart – soit 27,4 % – du nombre total de morts de civils subies en Palestine durant la période [[Calcul basé sur les chiffres de l’UNOCHA (1483 civils morts) au 14 octobre 2014. Source : UNOCHA ; information vérifiée le 18 novembre 2014.]]. Même en considérant le ratio exceptionnellement élevé des personnes âgées de 15 à 29 ans par rapport au total de la population de plus de 15 ans (53 %) [[Statistiques de l’UNOCHA citées dans BBC News ; publiées le 20 novembre 2014.]], cette statistique est choquante.

Ce sont 421 étudiants des HEI qui ont été tués durant le conflit, principalement par les bombardements, et 1128 qui ont été blessés. Neuf membre du personnel universitaire et administratif des HEI ont été tués, et 21 blessés. Un certain nombre de blessures ont entraîné des handicaps, notamment des déficiences relatives à la mobilité, l’audition et la vue, qui affecteront les personnes et leurs familles tout au long de leur vie. L’enseignement a également souffert d’un impact élevé, avec la perte d’une génération de nouveaux enseignants, gestionnaires et administrateurs dans la bande de Gaza. La perte d’un personnel universitaire indispensable est aussi susceptible d’impacter gravement la qualité de l’enseignement fourni dans les HEI.

Les étudiants sont restés traumatisés par l’impact du conflit. De nombreuses HEI ont évoqué une violence accrue parmi les étudiants masculins, une frustration, un manque de motivation, une dépression, un manque de concentration, un repli sur soi, un déni des problèmes psychologiques, « des pleurs intenses », du chagrin, de la tristesse, de la nervosité et de l’agressivité. Incapables d’y faire face, beaucoup d’étudiants n’ont pas repris leurs études. Les dirigeants des HEI ont également rapporté que le traumatisme et la détresse psychosociale ont touché les personnels universitaires et administratifs : leur volonté de travailler, leur bien-être mental, et la qualité de leur enseignement.

Au total, 1016 jours d’enseignement individuel ont été perdus au cours de ce semestre d’été, ce qui montre l’étendue de l’interruption des études universitaires du fait de la crise. Il peut être extrêmement difficile pour les étudiants de retrouver les occasions de formation perdues et l’investissement récurrent peut souvent être perturbé après la crise par les dommages causés à l’infrastructure.

Les étudiants qui ont été blessés, ou touchés autrement, par la crise ont été exemptés des frais scolaires par nombre de HEI dans le cadre d’un ensemble de mesures visant à les encourager à revenir à l’enseignement. De même qu’il n’a pas été demandé aux familles d’étudiants qui ont été tués de régler les frais scolaires dus. L’impact économique de cette politique devrait être important, et créer des difficultés financières importantes.

L’impact sur l’infrastructure

Quatorze HEI ont été endommagées pendant les hostilités, certaines ont été directement prises pour cibles, d’autres ont souffert de dommages collatéraux. Beaucoup de ces institutions ont connu, comme conséquences, de graves perturbations dans les opérations universitaires et administratives. Le total estimé du coût des réparations et des remplacements de bâtiments, installations et équipement des HEI est de 16 088 597 dollars US [[Estimation pour les HEI seulement et basée sur les chiffres de l’UNDP pour la réparation et la reconstruction des infrastructures, combinée avec les données recueillies par l’UNESCO pour cette estimation qui a calculé les coûts des équipements et installations endommagés (voir section 4 pour les détails).]].

Une abondance de preuves a été rassemblée sur les bombardements de bâtiments universitaires et administratifs : l’effondrement des salles de classe, des salles de conférence et des laboratoires scientifiques ; les ordinateurs et les installations de vidéo-conférences détruits ; les couloirs jonchés de gravats ; les campus parsemés de verres brisés, de métal tordu, et de débris de la guerre – qui bouleversent, découragent et bloquent l’exercice du droit à l’enseignement pour tous, et qui ont potentiellement des impacts à long terme sur la qualité de l’enseignement et de l’érudition.

La direction de l’enseignement supérieur et les universitaires de Gaza reconnaissent que la planification d’urgence dans les HEI est actuellement faible et manque de coordination, et que le soutien psychosocial pour les personnels et les étudiants est insuffisant. Améliorer la coordination entre les HEI et élaborer une réponse d’urgence partagée offriraient une protection physique, psychsociale et cognitive aux jeunes gens, et renforceraient la capacité et la préparation des équipes universitaires et administratives pour fournir un enseignement de qualité, même en temps de crise.

Quel avenir ?

L’incapacité de sécuriser l’environnement d’érudition et de protéger les universités contre les attaques est une violation grave du droit à l’enseignement et est prohibée par le droit international. L’usure qui en résulte pour les personnels et les étudiants, outre les pertes en vies humaines, les blessures et les dommages aux infrastructures, porte gravement atteinte à la qualité d’un enseignement qui devrait épauler les jeunes gens dans la réalisation de toutes leurs potentialités, et les aider à atténuer les impacts psychosociaux du conflit armé en leur donnant la stabilité, la normalité, la structure et un optimisme quant à leur avenir. Malheureusement, il y aura probablement des conséquences pour les prestations de services publics de base déjà surchargés dans la bande de Gaza, perpétuant un cycle de vulnérabilité et de difficultés économiques dans tout le territoire.

Le renforcement des financements et des capacités est aujourd’hui une nécessité urgente pour préserver le droit à un enseignement supérieur dans Gaza et pour s’assurer que des structures peuvent être mises en place afin d’accroître la détermination et la protection des universités contre les agressions.

L’UNESCO demande à la communauté internationale, notamment aux donateurs et aux groupes de la société civile, d’apporter un soutien actif dans les deux domaines clés suivants :

Mobiliser des fonds pour financer la reconstruction du secteur des HEI, et stabiliser des fonds pour financer des bourses pour les étudiants et réduire l’impact du non-paiement des frais d’enseignement sur les rémunérations des personnels. En plus du coût estimé des réparations des infrastructures essentielles et des reconstructions, des fonds sont indispensables pour fournir une protection et une planification d’urgence, un soutien psychosocial, un enseignement inclusif, et une qualité d’enseignement et d’érudition, tous constituant des priorités importantes.

Mettre en place un groupe de travail sur l’enseignement supérieur en collaboration avec l’ensemble de l’enseignement pour renforcer la protection des HEI dans la bande de Gaza et le droit à un enseignement supérieur conformément aux dispositions du droit international. Cela pourrait inclure :

  • un suivi rigoureux des attaques contre les HEI et l’utilisation de cette information pour élaborer des réponses efficaces, coordonnées ;
  • un renforcement des mesures de responsabilisation ;
  • la mise en place de mesures préventives, telles que des systèmes d’alerte rapides et des systèmes de réponses rapides aux agressions ;
  • l’encouragement des HEI à développer les meilleures pratiques en protection de l’enseignement contre les agressions ;
  • la garantie que les éducateurs et leurs familles qui sont déplacés bénéficient d’une protection et d’un encouragement au retour [[Pour un ensemble complet des recommandations internationales et nationales pour protéger les HEI, voir « Global Coalition for Protection of Education from Attack » (GCPEA). L’UNESCO est membre du comité directeur. Publié le 20 novembre 2014.]] ;
  • la formation du personnel pour les situations d’urgence et une planification des évacuations, de même qu’une formation pour les premiers secours, en plus d’une planification d’urgence universitaire ;
  • le renforcement du soutien psychosocial pour les personnels et les étudiants ;
  • la garantie qu’une approche inclusive afin d’élaborer une conception et une pratique pédagogiques sont bien mises en place et prises en charge.

Pour plus d’information et pour obtenir le rapport d’évaluation intégral, veuillez contacter :

Majd Beltaji, responsable de l’information publique au bureau de l’UNESCO à Ramallah : m.beltaji[at]unesco.org