Contre l’anéantissement de Gaza : nous ne pouvons plus nous taire

Face à l’anéantissement de Gaza, 88 chercheurs du laboratoire Triangle (UMR CNRS 5206) de Lyon et Saint-Etienne signent ce projet de motion pour le conseil. Les chiffres et les données se sont alourdies et vont malheureusement continuer de s’alourdir face aux massacres toujours en cours à Gaza.

Nous, membres de l’unité de recherche Triangle (UMR CNRS 5206), tenons tout d’abord à rappeler notre pleine solidarité avec l’ensemble des membres de nos communautés académiques touchés, d’une manière ou d’une autre, par les terribles drames qui endeuillent les habitants des territoires palestiniens occupés de Gaza et de Cisjordanie, d’Israël et du Liban.

Nous nous alarmons en effet du niveau des destructions et du nombre de victimes de toute nationalité, dans une explosion de violence dont l’amplitude dépasse l’entendement, n’épargnant ni les civils (776 tués en Israël le 7 octobre (1), 34 570 (2) à Gaza depuis le 8 octobre, 479 (3) en Cisjordanie, 100 (4) au Liban), ni les enfants (plus de 14 000 (5) enfants tués à Gaza, 37 (6) en Israël, 122 (7) en Cisjordanie), ni les journalistes (130 journalistes gazaouis tués), ni les personnels de soins et de santé (326 tués à Gaza), ni les travailleur.es humanitaires…

Nous dénonçons ensuite et tout particulièrement l’atteinte systématique aux infrastructures palestiniennes ainsi qu’aux travailleur.es et usager.es des mondes de l’éducation, de l’enseignement supérieur et de la recherche : aujourd’hui, à Gaza, toutes les universités ont été partiellement ou intégralement détruites. Nous condamnons avec la plus grande énergie l’assassinat et l’arrestation des personnels d’enseignement, d’administration et de recherche ainsi que la destruction des équipements académiques, des facultés de médecine, des bibliothèques, des musées, monuments historiques et autres lieux culturels. Alors que des ONG alertent depuis plusieurs mois sur un génocide en cours à Gaza (8) et que la Cour internationale de justice, dans ses ordonnances de janvier et mars 2024, conclut sur un risque plausible de violation de la Convention de 1948 sur la prévention et la répression du crime de génocide, nous appelons les autorités françaises et européennes à prendre, conformément à leurs obligations en tant que signataires de cette convention, toutes les mesures, sanctions comprises, nécessaires pour imposer un cessez-le-feu permanent, obtenir la libération des 128 otages israéliens (9) et des 9500 prisonniers politiques palestiniens (10), ainsi que la levée des obstacles posés par Israël à l’acheminement de l’aide nécessaire à la population de Gaza en proie à la famine.

Au-delà de ces urgences, il est important de se donner les moyens de garantir, dans le respect du cadre posé par le droit international, aussi bien la reconstruction des infrastructures détruites que l’autodétermination de l’ensemble des peuples de la région, condition indispensable à la sécurité de toutes et tous et à une paix définitive.

A cette fin, nous nous engageons à soutenir des partenariats académiques éthiques dans le respect du droit international et des droits humains, à renoncer à toute participation à des événements scientifiques impliquant l’État d’Israël ou des institutions universitaires israéliennes, l’implication de ces dernières dans l’occupation illégale ainsi que dans la production d’armement étant désormais bien établie (11). Nous appelons plus largement les acteur.es et institutions d’enseignement et/ou de recherche universitaires à rompre toutes relations avec ces institutions israéliennes, comme l’ont fait de nombreuses universités européennes ces derniers mois (12), et à l’image de ce qui a pu être fait avec la Russie à partir de février 2022, par le CNRS (13) et de nombreuses universités françaises. Ces engagements doivent demeurer jusqu’à ce que l’Etat d’Israël se conforme à ses obligations en matière de droit international et de respect des droits humains.

Nous manifestons enfin notre plein et entier soutien aux collaborations scientifiques et pédagogiques avec les chercheurs et chercheuses palestiniens et israéliens engagés dans la voie de la paix, de l’égalité et de la fin des injustices.

Notes : 

(1) Selon le Bitouah Léoumi, 767 civils, dont 76 non Israéliens, ont été tués le 7 octobre. https://www.lorientlejour.com/article/1366654/lattaque-du-7-octobre-a-fait-1163-morts-selon-un-nouveau-bilan.htm et https://fr.timesofisrael.com/massacres-du-7-octobre-par-le-hamas-et-des-civils-en-israel-un-bilan-quasi-definitif/

auxquels s’ajoute 9 civils israéliens tués en Cisjordanie depuis octobre https://www.rtbf.be/article/datavisualisation-comment-les-violences-contre-les-civils-palestiniens-ont-augmente-en-cisjordanie-occupee-depuis-le-7-octobre-11370871

(2) Au 23 février, https://euromedmonitor.org/uploads/IMG_8905.png

(3) West Bank sees biggest Israeli settler rampage since Gaza war began – Los Angeles Times (latimes.com)

(4) https://www.rfi.fr/fr/moyen-orient/20240430-affrontements-isra%C3%ABl-hezbollah-des-centres-de-recherche-libanais-%C3%A9tablissent-un-bilan

(5) https://www.unicef.fr/article/israel-palestine-les-enfants-paient-le-prix-de-la-guerre/

(6) Idem.

(7) Idem.

(8) A l’instar de la Fédération internationale des droits de l’homme, FIDH en novembre 2023, resolutiongenocidefr-2023-12-11-5.pdf (fidh.org)

(9) https://www.francetvinfo.fr/monde/proche-orient/israel-palestine/guerre-entre-le-hamas-et-israel-ce-que-l-on-sait-des-otages-detenus-dans-la-bande-de-gaza_6530471.html

(10) https://www.addameer.org/ Depuis 1967, plus de 800 000 Palestinien.nes ont été détenus par Israël. https://plateforme-palestine.org/IMG/pdf/enfermes_au_mepris_du_droit.pdf

(11) Sur l’implication des universités israéliennes, voir par exemple Maya Wind, Towers of Ivory and Steel : how israelis universities deny palestinian freedom, Verso Book, 2024.

(12) A l’instar des universités norvégiennes d’Oslo Met, de Bergen et du Sud-Est de la Norvège en février 2024, l’université d’Anvers ou l’université de Milan qui ont suspendu des partenariats avec des universités israéliennes. D’autres universités, comme l’université de Turin ou l’université de Bari se sont officiellement engagées à ne pas participer aux programmes de recherche du ministère des Affaires étrangères italien en collaboration avec Israël. Liens : https://bricup.org.uk/article/four-norwegian-universities-cut-ties-with-complicit-israeli-universities/

https://www.uantwerpen.be/en/research-groups/law-and-development/news-and-events/bar-ilan

https://www.lastampa.it/torino/2024/03/19/news/guerra_israele_protesta_studenti_universita-14157931

https://bari.repubblica.it/cronaca/2024/04/10/news/stop_alla_ricerca_con_israele_luniversita_di_bari_non_partecipa_al_bando_contestato_dagli_studenti-422454657

(13) https://www.cnrs.fr/fr/presse/le-cnrs-suspend-toutes-nouvelles-formes-de-collaborations-scientifiques-avec-la-russie