Accès des entreprises israéliennes d’armement au salon Eurosatory : après le jugement de la Cour d’Appel, l’attitude de l’État revient en première ligne 

La Cour d’Appel a annulé la décision du tribunal judiciaire de Bobigny, en contestant le pouvoir du juge judiciaire d’interpréter un acte de gouvernement à la lumière du droit international applicable pour prescrire les mesures susceptibles de lui donner une pleine effectivité. Cette invocation des actes de gouvernement, qui interdit de fait à la justice de s’intéresser au respect des engagements internationaux de la France en matière de respect des droits humains et des règles pour le commerce des armes, est contestée par les associations requérantes qui se réservent toutes voies de recours.

La Cour d’Appel de Paris, par une décision rendue hier (18 juin) en fin de soirée, a annulé les décisions prises en référé, le 14 juin, par le tribunal judiciaire de Bobigny.

Rappelons que les associations ASER (Action sécurité éthique républicaines), AFPS (Association France Palestine Solidarité) et Stop Fuelling War, appuyées en intervention volontaire par l’ONG palestinienne Al-Haq, avaient assigné en référé la société COGES, organisatrice du salon d’armement Eurosatory, pour qu’elle prenne des mesures efficaces visant à empêcher les sociétés d’armement israéliennes et leurs filiales de venir vendre leurs technologies alors même que l’armée israélienne commet à Gaza des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, et que la Cour Internationale de Justice pointe le caractère plausible d’un génocide en cours. Cette procédure était soutenue par plusieurs collectifs dont Stop Arming Israel France et Urgence Palestine.

Le 31 mai, le gouvernement français avait donné instruction à la société COGES de ne plus accueillir les entreprises israéliennes d’armement sur le salon Eurosatory : COGES avait annulé leurs stands, mais n’avait pris aucune mesure pour interdire aux délégations de ces entreprises d’entrer sur le site du salon Eurosatory et d’y bénéficier des capacités d’accueil de leurs filiales.

C’est cette incohérence qui avait été corrigée par le tribunal judiciaire de Bobigny, qui avait ordonné notamment à COGES d’interdire l’entrée du salon Eurosatory aux délégations des entreprises israéliennes d’armement, et à toute entreprise présente sur le stand de les accueillir. COGES avait appliqué cette décision et a indiqué avoir ainsi désactivé pas moins de 850 badges d’entrée. Cela montrait a posteriori l’ampleur du problème et la capacité d’y remédier.

La Cour d’Appel a annulé la décision du tribunal judiciaire de Bobigny, en contestant le pouvoir du juge judiciaire d’interpréter un acte de gouvernement à la lumière du droit international applicable pour prescrire les mesures susceptibles de lui donner une pleine effectivité. Cette invocation des actes de gouvernement, qui interdit de fait à la justice de s’intéresser au respect des engagements internationaux de la France en matière de respect des droits humains et des règles pour le commerce des armes, est contestée par les associations requérantes qui se réservent toutes voies de recours.

Lors de l’audience en cour d’appel, les parties adverses ont abondamment usé de l’argument de la discrimination, dont il a également été fait état dans un jugement du tribunal de commerce de Paris survenu le matin-même. Nous rappelons qu’en matière de commerce des armes, le fait de s’intéresser au comportement d’un Etat correspond à la pratique habituelle. Par ailleurs, les mesures prises par la COGES à la suite de la décision du tribunal de Bobigny n’étaient pas liées à la nationalité des visiteurs du salon, mais à leur fonction en relation avec des entreprises israéliennes d’armement.

La responsabilité de l’exécutif français et sa coupable ambivalence sont particulièrement engagés dans cette situation. Ainsi, le Directeur Général de l’Armement, le dimanche 16 juin, a envoyé une lettre à la COGES, précisant que le gouvernement ne lui demandait pas d’autre mesure que la suppression des stands des entreprises israéliennes d’armement.

Les associations requérantes et les collectifs qui les soutiennent interpellent le président de la République : en matière de respect des engagements internationaux de la France, devant un génocide en cours, est-il possible, « en même temps » de prendre une mesure symboliquement forte concernant les stands des entreprises israéliennes, et de les autoriser à venir massivement contourner cette mesure au salon Eurosatory pour y conclure leurs affaires ?

Plus que jamais, la mobilisation s’impose face à la présence au salon Eurosatory des entreprises d’armement qui contribuent activement au génocide en cours. Un nouveau rassemblement est appelé ce vendredi 21 juin à 12h, au parc des expositions de Villepinte (RER B).

Associations/collectifs de la coalition :

L’assignation au tribunal de Bobigny a été portée par :

– l’ONG ASER, http://aser-asso.org

– AFPS (Association France Palestine Solidarité) https://www.france-palestine.org/

– Stop Fuelling War https://stopfuellingwar.org/fr/

Et Al Haq, https://www.alhaq.org/ en intervention volontaire à l’assignation.

Cette action est née du travail d’une coalition d’une vingtaine de collectifs, avocat.e.s, juristes, non juristes coordonnée au sein d’un espace de travail collaboratif qui donne accès à la stratégie juridique à tou.te.s, dont :

– Urgence Palestine https://urgence-palestine.com/

– Stop Arming Israel France https://www.instagram.com/stoparmingisraelfrance/

– La Ligue des Juristes pour la Paix : https://www.instagram.com/juristespourlapaix.marseille/

– TEJE (Travailler Ensemble Jeunes et Engagé·e·s) : https://www.instagram.com/tejefrance

La coalition est représentée par les avocats Dominique Cochain et Matteo Bonaglia.

Une cinquantaine d’organisations et de collectifs ont par ailleurs apporté leur soutien à cette action, dès sa première étape.


Association France Palestine Solidarité (AFPS)