Sortir de la violence

Éditorial de la Newsletter de l’AURDIP du 23 novembre 2015

Les messages de sympathie ont afflué de tous les points du globe. On m’a écrit du Canada, des États-Unis, d’Australie, de Norvège, d’Israël et de Palestine. C’est que chacun s’est senti visé dans son humanité : ce ne sont pas les valeurs de la république que les attentats de Paris ont atteint, c’est le minimum de confiance qui nous permet de vivre ensemble, et qui fait que de jeunes parents peuvent s’asseoir à la terrasse d’un café ou se rendre à un concert sans craindre pour leur vie. Une semaine auparavant c’était Beyrouth qui était frappée, un mois plus tôt c’était Ankara, et depuis au moins trois ans la Syrie toute entière vit ce calvaire. La pensée de toutes ces victimes nous accompagne. Arrêtez ces massacres !
Il y a trop de problèmes en suspens dans la région, et si on ne les résout pas, on aura beau écraser Daesh, ils engendreront d’autres monstres. Le problème palestinien n’est pas le seul, mais il est emblématique : si on peut le résoudre sur la base du droit international et des résolutions de l’ONU, on aura fait un grand pas vers l’apaisement.

Mais pour parler le langage du droit et de la solidarité, il faut être exemplaire. Notre gouvernement a ressorti les valeurs de la république comme on sortait les saints de leur placard et on les promenait en procession dans les rues pour conjurer les calamités publiques. Où étaient les valeurs de la république quand Bachar El-Assad présidait le défilé du 14 juillet, quand Muammar Khadaffi plantait ses tentes sur les Champs-Élysées, ou que le président de la République allait aux obsèques du roi d’Arabie Saoudite ? Faute de réflexion, il est engagé dans une politique belliqueuse à l’extérieur, et répressive à l’intérieur. Nous avons eu la circulaire Alliot-Marie et les poursuites pénales systématiques engagées contre les militants BDS, nous avons l’état d’urgence prolongé pour trois mois (au moins), nous aurons une réforme de la constitution. Nous n’aurons pas de réflexion sur l’état de l’éducation dans notre pays ni sur l’absence de mixité sociale, nous n’aurons pas de débat national sur la politique économique ni sur la défense des libertés, dont la liberté d’expression. Eh bien, ces réflexions et ces débats il faudra les mener ailleurs, et en tirer les conséquences, quitte à les imposer à notre gouvernement par des initiatives citoyennes.

Ivar Ekeland
Président de l’AURDIP
ancien président de l’Université Paris-Dauphine